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Marie-France Morel, ENS Fontenay Saint-Cloud
"Mortalité maternelle, mortalité infantile : histoire et représentations (XVIIIe-XXe siècles)"
Mères en couches et petits enfants ont payé autrefois un lourd tribut à la mort. En France, les sources disponibles (archives hospitalières, registres paroissiaux) nous permettent de quantifier précisément cette mortalité à partir du XVIIIe siècle : 10 % des femmes meurent alors en couches et un enfant sur quatre meurt avant un an. On cherchera à comprendre les causes de ces décès et la manière dont ils sont vécus grâce aux mémoires et aux diverses images de l'époque. Au XIXe siècle, la mortalité régresse peu : les hôpitaux, où viennent accoucher les femmes pauvres des grandes villes, sont périodiquement la proie de terribles épidémies de fièvre puerpérale, que les médecins sont impuissants à combattre, avant les mesures d'hygiène préconisées par Semmelweis à Vienne et Tarnier à Paris. Les découvertes de Pasteur suivies de l'obligation de mesures d'asepsie et d'antisepsie, permettent à la fin du XIXe siècle de sauver davantage de mères, tandis qu'une propagande active en faveur d'une puériculture médicalisée autour des consultations de nourrissons entraîne une baisse sensible de la mortalité infantile (de 177/1000 en 1890, on passe à 126/1000 en 1913 et à 78/1000 en 1931) ; même si le concept de " mort évitable" tend à culpabiliser les mères qui refusent d'obéir aux injonctions du pouvoir médical. Au XXe siècle, conseillées par les médecins, les femmes de toute condition viennent accoucher plus nombreuses dans les hôpitaux ; pourtant, jusque dans les années 1940, avant l'invention des sulfamides puis des antibiotiques, la mortalité maternelle est plus élevée à l'hôpital qu'à domicile. Quant à la mortalité infantile, elle baisse régulièrement au cours du XXe siècle jusqu'à passer aujourd'hui sous la barre des 5/1000 : depuis les 250 /1000 de la fin du XVIIIe siècle, c'est une immense révolution qui change totalement le regard que les parents et la société posent sur le petit enfant.

Stéphanie Vella, Université de Bordeaux III
" L'Infanticide dans un contexte britannique (Angleterre et Inde), du XVIIIe siècle à nos jours ou la difficulté d'être une mère"
L'infanticide est une pratique retrouvée dans toute l'histoire de l'humanité. En Europe, il était déjà courant dans le monde romain et grec. Les enfants à croissance défectueuse, illégitimes, incestueux, issus d'un viol, les jumeaux, les triplés, les enfants siamois, ceux nés par le siège ou à une date non propice, les filles après la première... sont voués, dans certaines populations, à l'infanticide. Mais celui-ci est aussi pratiqué pour des raisons sacrificielles ou socio-économiques, quand la mère a trop d'enfants et qu'elle ne peut s'occuper d'un de plus. Par ailleurs, l'infanticide des filles, à l'instar des guerres qui décimaient la population masculine, a souvent contribué à contrôler la croissance de la population. La plupart des infanticides dans le monde impliquent d'ailleurs des filles, l'élimination systématique des garçons étant très rare. Nous nous situons dans un contexte britannique pour établir un parallèle entre la pratique qui existait en Grande Bretagne au 19e siècle et le phénomène que nous retrouvons encore aujourd'hui en Inde mais dirigé seulement ou presque contre les filles. En Grande Bretagne, la pratique, très fréquente, était souvent due à des conditions d'oppression sociale et économique des femmes non mariées, avec désertion du père de l'enfant. Il était ainsi courant de trouver des cadavres de nouveau-nés dans les parcs de Londres. A cette époque, le Middlesex, région la plus concernée par l'infanticide, est ainsi qualifié, par le British Medical Journal, de lieu où on massacre les innocents, selon une référence à la bible. Cette appellation est aussi employée en Inde par les Britanniques qui ont découvert l'infanticide dans ce pays en 1789. En 1870, une loi est passée contre la pratique dans les deux pays. Si l'infanticide a co-existé dans ces deux régions, il n'en est plus de même aujourd'hui et cette présentation montrera l'évolution de la pratique en Inde, la perception qu'en ont les mères et les familles ainsi que le passage actuel de l'infanticide à l'avortement sélectif des embryons de sexe féminin.

Sofiane Bouhdiba, Université de Tunis, Tunisie
" La pratique du Waad dans les sociétés arabes : passé et présent"
Je souhaiterais traiter dans mon article d'une pratique abominable qui a longtemps existé dans les sociétés arabe pré-islamiques : le Waad, ou infanticide des nouveaux-nés de sexe féminin. Jusqu'à l'avènement de l'Islam, qui a mis fin à cette pratique, les pères, honteux et déçus de ne pas avoir engendré d'héritiers mâles, se dépêchaient d'enterrer vivantes leurs petites filles. Ce que l'on sait moins, c'est la réaction et la part active prise par les mères dans cet infanticide. C'est précisément ici que se situe ma communication, qui tentera de comprendre la relation mère-fille, ainsi que le rôle joué par les mères dans cet acte barbare, mais qui répond néanmoins à des besoins spécifiques à la société arabe pé-islamique. Aujourd'hui, les choses ont changé: le Waad ne se pratique plus, mais de nombreuses pratiques modernes en semblent directement issues. Quelles sont les origines sociales, culturelles, économiques et historiques de l'infanticide féminin? Dans quelle mesure l'avènement de l'Islam l'a-t-il fait disparaître? Peut-on accorder un crédit aux théories affirmant qu'il y a eu un renouveau du waad, sous des formes cachées dans les sociétés modernes, qu'elles soient arabes ou non(pratique du waad au Yémen, rôle joué par l'échographie dans les Interruptions volontaires de grossesses en Chine,...) ? Comment les courants de pensée féministes modernes appréhendent-ils cette pratique ? Et surtout, comment réagit la mère, et quelle est le rôle actif et passif qu'elle joue dans l'infanticide féminin? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles je me propose de trouver des éléments de réponse au cours de ma communication.

Pierre Lemonnier, Université de provence, CNRS, Centre de Recherche et de Documentation sur l'Océanie
"Entre vie et mort : mères cannibales et parents maternels chez les Ankave-Anga de Papouasie Nouvelle-Guinée"
Cinquante ans après avoir découvert l'existence des Blancs, les Ankave continuent de penser ensemble ces phénomènes cruciaux que sont l'imputation du malheur, les représentations de la maladie, les attaques cannibales imaginaires, le travail des chamans et le respect des bonnes manières. La gestion du malheur, les logiques de l'échange et les procédures de deuil se trouvent régulièrement associées lors de cérémonies qui permettent à ce petit peuple de chasser à jamais, croit-on, les spectres errants des morts récents. Pour gérer leur besoin d'oubli et leur désir d'immortalité, ces agriculteurs forestiers ont élaboré un système religieux par lequel ils abritent en eux-mêmes, non pas les esprits de leurs morts, mais des figures de l'éternité liées à leurs propres défunts, les esprits ombo'. Ces cannibales invisibles qui hantent leurs nuits et sont réputés se repaître de cadavres sont des doubles d'eux-mêmes, auxquels ils font porter la responsabilité des maux qui les accablent, en même temps qu'ils assurent le recyclage de la vie, la permanence de la société et l'oubli des morts. Mais les monstrueux ombo' sont aussi des parents maternels - oncles et tantes maternels et cousins croisés matrilatéraux -, auxquels les Ankave tentent vainement, par toutes sortes de dons, de rendre un peu de la vie que ceux-ci leur ont transmis en partageant leur propre sang. Il sera ici question de mères ambigues et mortifères, mais aussi d'échanges du cycle de vie, de gender, de personnes composites, de "sorciers", de "chamanisme", de phantasmes de mères cannibales. Pourtant, ce qui importe n'est pas de trouver une clef d'explication principale, mais, bien au contraire, de comprendre comment se fait localement l'imbrication de ces divers modes de pensée et d'action que nous isolons pour l'analyse, mais que les acteurs pensent plus ou moins ensemble.

Annik Houel, Université de Lyon II
"Mort de la mère et relation mère-fille"
La relation délétère mère-enfant va être prise ici sous son angle inversé : Qu'en est-il de la mort dans la relation mère-fille, du point de vue de la fille ? C'est en effet un thème peu exploré en tout cas sous son aspect négatif, c'est-à-dire le désir de mort envers la mère. Il a pourtant été introduit magistralement, en 1964, par Simone de Beauvoir avec Une mort très douce, dont l'ambiguité du titre montre assez l'aspect mortifère inconscient. Marie Cardinal, une dizaine d'années plus tard, obtient un grand succès auprès des lectrices sur ce thème des aléas de la relation mère-fille. Mère adulée ou mère haie, les filles ne peuvent-elles donc dire leur amour pour la mère que celle-ci une fois morte ? Ou bien s'agit-il seulement d'une possibilité offerte par l'écriture, amorcée par ces deux auteurs, mais aussi rapidement évincée de la scène littéraire (et cinématographique) que le mouvement des femmes ? Tout récemment, le dernier livre de Noelle Chatelet semble signer un retour apaisé à la mère, La dernière leçon étant l'hymne à une mère toute bonne. Mais ne serait-ce pas cette fois-ci une négation de la part de haine, et donc le même symptôme d'un clivage non dépassé entre les deux figures de la mère, la bonne et la mauvaise mère, théorisées par Melanie Klein ? Clivage fonctionnel propre à chaque femme, telle qu'elle a dû se construire, obéissant à la loi freudienne de l'Oedipe dit "négatif", en se défendant d'un trop d'amour envers la mère, ou simple effet du travail de deuil qui n'autorise dans un premier temps, via la culpabilité, que la réminiscence de l'image de la bonne mère ? Quoi qu'il en soit, cette négation de l'ambivalence du lien mère-fille, en recouvrant, étouffant la part de haine, n'aide pas à penser, à libérer la part d'amour : c'est ce qui permettrait de mieux comprendre que parfois seule la part de haine fasse retour dans les rapports entre femmes, sous forme de rivalité, voire de misogynie des plus violente, au travail par exemple.

Marianne Baudin, Université de Paris VII
"L'interruption volontaire de grossesse peut-elle se mettre au service de la création ?"
L'IVG est l'une des figures actualisées du thème de l'enfant mort, que l'on rencontre dans bien des moments de la cure analytique. Dans les analyses de femmes, il est fondé - outre les enjeux oedipiens- sur l' angoisse féminine d'être envahie par " le vivant " , d'être autrement dit "vampirisée ", et mangée de l'intérieur, de devenir un objet "consommable ". Si le recours à l'Interruption Volontaire de Grossesse reste de nos jours, 30 ans après la loi Veil, l'une des expressions d'un échec de contraception, " l'IVG à répétition " ne confère-t-elle pas à cet échec un caractère pathologique ? Les " récidives d'IVG ", comme on les désigne dans les Services d'Orthogénie, révèlent quelque chose comme l'indomptable nature de passages à l'acte et des états de détresse, prise dans les états - corporels et psychiques tout à la fois - du maternel et du féminin. La proximité avec les revendications de certaines féministes dénonçant l' utilisation du corps féminin comme objet de consommation a sans doute à voir avec ce fantasme et avec cette angoisse, liés à la nature 'ouverte' de la femme. "Faire sortir à l'extérieur", expulser, ce qui menace l'intérieur peut parfois ainsi constituer la seule parade viable. Le recours à l'IVG peut alors s'inscrire dans un mouvement d'arrachement violemment libératoire de la femme vis à vis de sa propre mère et/ou de sa propre enfance, comme peut y viser aussi la création artistique. L'exemple d'Annie Ernaux , tel qu'elle l'énonce dans son ouvrage l'Evènement, tendrait comme d'autres histoires de femmes à le montrer.

VENDREDI MATIN

Xavière Gauthier, Université de Bordeaux III, Chargée de recherches au CNRS
" L'avortement suscite l'effroi"
Lors du vote houleux, à l' Assemblée Nationale, le 26 novembre 1974, un député argumenta contre la loi légalisant l'avortement de cette façon : l' Art de tous les temps et de tous les pays a chanté les louanges de la femme mère, jamais il n'a abordé l'interruption de grossesse. " C'est que, concluait-il, l'avortement suscite le grand effroi" . J'ai voulu aller voir ce qu'il en était réellement et si certains écrivains n'avaient surmonté leur effroi et transgressé le tabou de la visibilité de l'avortement. J'ai découvert vingt-huit livres qui disent l'avortement. Evidemment, cette liste n'est pas exhaustive, ma recherche s'étant faite un peu au hasard de mes lectures. Tout de même, mettre en relief ces oeuvres, écrites tant par des hommes que par des femmes, permet de voir de près comment l'écriture suit, épouse au plus près, la réalité des la situation des femmes, selon les époques et les pays. Comme dans Paroles d'avortées, un recueil de témoignages que j'ai publié, les avortées littéraires perdent leur sang en abondance, souffrent le martyre, risquent leur vie en employant toutes sortes de méthodes dangereuses, sont - ou non - abandonnées par leur partenaire et confient leur sort à de douteuses faiseuses d'ange. Le genre d'écriture, le style, l'école littéraire, l'aire linguistique, sont variés. On trouve aussi bien des existentialistes, comme Sartre et Beauvoir qu'un naturaliste comme Zola ; une russe comme Oulitskaia, ou une Irlandaise comme Edna O'Brian qu'un Américain comme John Irving ; une contemporaine comme Nobécourt ou Valdès ou une écrivaine du début du XXe siècle comme Pearl Buck ; un auteur de polar comme Pouy que de science fiction comme Margaret Atwood. Malgré la diversité, ces oeuvres de fiction sont parfaitement en prise avec la réalité sociale, politique et le vécu féminin. Elles ont leur place dans l'élaboration d'une conscience historique, voire émancipatrice.

ATELIER 01

Vanessa Corby, Université de Leeds
" '...What You Need is A Nice Cup of Tea Dear' or Tracey Emin; Speaking Experience Beyond Cultural Memory"
This paper will perform a critical reading of selected representations of abortion in order to determine how they are simultaneously products of, intersections with and challenges to the perception of this procedure in contemporary cultural memory. Its focus will be the film Vera Drake, written and produced by Mike Leigh in 2004 followed by a case study of works by British artist Tracey Emin (1963- ). An analysis of May Dodge, My Nan (1963-1993), My Bed (1998) and The First Time I Found I Was Pregnant I Crocheted the Baby A Shawl, (1998-2000) will be framed by and aims to pose questions to the current post-Freudian psychoanalytic understanding of art making as a 'symptom of not dying' Pajaczkowska (1995). In Vera Drake Leigh sensitively portrays the kind of termination procedure available to and denied working class women in Britain in the 1950s. The film will be situated within its critical reception and in the light of My Foetus by Julia Black a Channel Four documentary screened in April 2004 that sought to bring the abortion debate back on the cultural agenda in the UK. The paper will argue that Vera Drake makes this procedure visible within a pro-choice context and thus breaks the still prevalent cultural taboo on abortion. I will suggest, moreover, that the matter of fact, detached, 'what you need now is a nice cup of tea,' classed attitude of Leigh's central character to the young girls she helps at the moment of the procedure also underlines that the conditions of silence and secrecy are the only terms under which society can, at present, permit terminations to take place. Leigh's film is billed as being about abortion yet this is not achieved by direct representation. Rather it is as abortion as a non-place (Pattis Zoja, 1997), a non-event. Emin's enunciation of her experience of termination in selected works therefore acts as a counter point to Vera Drake. The critical silence that has largely greeted this dimension of Emin's practice may thus be understood within the context of an event that evades its telling because it exceeds the boundaries of language; it inhabits a non-place beyond the level of knowledge that (patriarchal) culture is willing to accept about this procedure. As an act/event termination leaves the subject with nothing to show for it; that's the point, that life should go on as if nothing had happened. The question then becomes why make something to show for this experience? Why breach this silence? What function does the making of such an art object perform for the artist? In this case scenario the procedures of mourning, I will suggest however, cannot only follow the path laid out by Freud in which the 'satisfactions' that the subject 'derives from being alive' cause it 'to sever its attachment to the object that has been abolished.' (1917) If the function of art were only to confirm the 'reality' that the lost object no longer existed, it could increase the guilt and psychic paralysis that women such as Emin suffered. The paper will therefore consider the significance of the artwork for the artist once it is completed. Art making is not to be viewed as the production of a series of dead objects whose only function is to bind/expel psychic excitation until the work is finished. Rather this gendered trauma enables theories of mourning and creativity to begin to ask what these finished artworks psychically sustain for the artist?

Céline Masson, Université de Paris VII
Dolorosa, l'a-mer amour La pellicule et le sexuel : le corps in-photographiable
Il s'agira dans cette communication d'évoquer le problème qui s'est posé à moi lorsqu'une femme photographe, que j'appelerai Dolorosa a fait appel à moi (après sa lecture de mon livre sur Hans Bellmer) pour écrire sur ses photos en vue d'un bel ouvrage. Après plusieurs mois, je suis revenue sur ma décision de participer à ce livre pour des questions éthiques. Cette femme prenait en photos ses propres enfants mis dans des situations pas toujours très claires. Face à quoi étais-je confrontée? A de l'art, de la perversion? Et quelles limites à l'art? Ce que je savais, c'est que ses images à mesure que je les regardais me faisaient de plus en plus violence. Je souhaiterais témoigner de ce parcours du regard depuis le début de ma rencontre avec cette femme. Cette photographie fait exploser les cadres de la représentation car c'est un corps-symptôme qui brise l'image. Un corps ouvert - corps de femme - devenu machine photographique. L'image est puissante, physique, bien en chair sur quoi se déroule la pellicule de la vie, à mort. A ce montage répond l'association psychique que déroule le sujet parlant au rythme des pulsations inconscientes. Elle n'hésite pas à dire qu'elle fait ainsi son " auto-analyse". Ses yeux se sont ouverts dans l'image, des yeux de femme regardant la femme en elle devenant à jamais mère. Quelle transformation?

Atelier 2

Jean-Michel Durafour, Université de Lille III
" La mère pour la mort dans le cinéma de Kenji Mizoguchi"
La relation mortifère mère-fils traverse l'histoire du cinéma, depuis Griffith (The Mothering Heart) jusqu'à Mère et fils de Sokurov, en passant par La Mère de Poudovkine ou L'Enfer est à lui de Raoul Walsh; sans compter les multiples transferts affectifs, les diverses figures de l'adoption, et autres indénombrables substituts crypto-psychanalytiques (de Psycho à Profondo rosso). Le cinéma japonais n'y fait pas défaut (La Ballade de Narayama). La relation M'intéressera la relation mère/fils en tant qu'elle est relation pour la mort, non pas tant relation au mourir (travail d'accompagnement, travail du deuil) ni relation morbide (comme dans Psychose ou Les Frissons d'angoisse), mais en tant qu'elle est la relation d'une mère à fils pour que l'un meure. Le cinéma de Mizoguchi est particulièrement représentatif de cette mise en place singulière du rapport mère/fils dans des films comme L'Intendant Sansho ou Le Héros sacrilège. Tel est le projet que je propose : établir la consistance esthétique de ce rapport en tant que rapport pour-la-mort dans le cinéma de Mizoguchi, tout en la re-situant par rapport aux enseignements de la tradition confucéenne ou taoiste sur l'amour filial ou le statut de la mère. L'essence de la vision tragique du monde de Mizoguchi vient en grande partie d'une vision pessimiste de la femme, c'est-à-dire en tant qu'elle est femme-non femme (la femme-fantôme des Contes de la lune vague ou le femme-objet des films sur la prostitution et de L'Impératrice Yang Kwei-Fei), et dont la relation à l'enfant, s'inversant dans son don de vie, constitue l'un des moments nécessaires (ainsi le fils rompant avec sa mère, dans L'Intendant Sansho, après avoir découvert son passé de courtisane, savoir que sa mère a un sexe).

Marguerite Chabrol, Université Paris X - Nanterre
" I'm a widow and a..." : les méandres du lien maternel dans Soudain l'été dernier de Mankiewicz.
" I'm a widow and a... Funny, there's no word. Lose your parents, you're an orphan, lose your only son and you are... nothing." Cette réplique de Mrs Venable, ajoutée à la pièce de Tennessee Williams dans la version cinématographique de Joseph L. Mankiewicz (1959), est assez représentative de choix d'adaptation qui orientent l'intrigue vers une définition complexe de la relation entre la mère et son fils disparu. Un an avant Psychose, Soudain l'été dernier appartient à un ensemble qui marque progressivement la fin de la censure hollywoodienne à travers le surgissement de sujets tabous en général et de mères monstrueuses en particulier. Le film de Mankiewicz inverse pourtant le topos psychanalytique de la maternité possessive et de ses conséquences pour s'attacher à l'imaginaire de la mère, plutôt qu'à celui du fils. Centré sur la manière dont Mrs Venable reconstruit le lien maternel, sans pour autant donner accès à l'intériorité du personnage, le film suggère que ce lien n'a pas été brisé par la mort monstrueuse du jeune homme, mais se construit encore plus fortement après elle et à partir d'elle. Contrairement à la pièce, le film n'a pas tant pour objet la nature exacte de ce lien- en partie incestueux, en partie fondé sur le déni de l'homosexualité du personnage de Sebastian- que les contradictions à partir desquelles il s'élabore. Représenté dans le film comme la mise en scène d'une Mrs Venable magistralement interprétée par Katharine Hepburn, le lien maternel semble avoir la mort à la fois pour cause et pour conséquence. Sa monstruosité naît alors du dérèglement du système signifiant (notamment de la disparition du fils réel derrière d'encombrants objets de substitution), de la temporalité et de la causalité. Le film s'attache ainsi tout particulièrement à analyser cette maternité vécue sur un mode imaginaire, et déchirée entre une aspiration à appartenir à l'ordre de la nature (y compris dans sa dimension violente) et une construction abstraite détachée de toute dimension corporelle (redoublée par l'architecture de style néo-classique, ou la mise à l'écart de certaines composantes de l'univers sudiste de Williams).

Xavier Daverat, Université de Bordeaux IV
" Mères et grossesses xénomorphes du cinéma américain"
Le cinéma américain a décuplé la représentation de trois types de fécondations: monstrueuses, démoniaques ou extra-terrestres. Le rapport mortifère mère / enfant peut alors prendre plusieurs formes. Si, du côté de la progéniture (dans quelle mesure, parfois, peut-on parler d'enfant?), tout tend à se préserver ou à préserver la mère pour survivre, cette dernière peut être amenée tantôt à éliminer l'être qu'elle porte ou auquel elle a donné naissance, tantôt à le protéger contre ceux qui veulent le détruire. La communication proposée veut s'interroger sur ces xénogenèses et les rapports mère-enfant qu'elles conditionnent. " Le rapport délétère mère-enfant", à l'intersection de la monstruosité, de l'extranéité et de la manifestation du Mal, doit d'abord être pris dans sa dimension politique et sociale. L'être à naître, produit de la famille, n'est-il pas le corrupteur de la cellule familiale et des valeurs conservatrices, des modes de fonctionnement domestique codés qu'elle véhicule? En quoi l'intimité de la menace et l'aspect matriciel d'une grossesse maligne renseignent-ils sur le phobique, le refoulé? Quelle signification donner à la tentation d'infanticide (la Raison faisant de la mère une tueuse) ou de préservation (l'instinct maternel poussant à transcender l'horreur)? D'un point de vue esthétique, il faut poser la question du figurable, de la mise en scène psychique par une série de " variations obstétriques" à l'image. Le hors-champ et la suggestion peuvent faire lien avec ce qui est enfoui ou, au contraire, la monstration peut dégénérer en trop-plein pour installer le dégoût. Se développe par un biais clinique apocryphe (processus de gestation ou survenance de la mort) un corps-langage, entité dynamique, dans laquelle chaque stigmate et chaque pulsion meurtrière peut être pris comme la plus petite unité signifiante d'un effet scopique recherché sur le spectateur. Qu'il s'agisse de pénétration ou d'expulsion, d'avortement ou de mort, (s')ouvrir le corps (voir, savoir, occire...) implique bien sûr l'envers des choses, " la révélation du réel dans ce qu'il a de moins pénétrable" (Lacan). Loin de la vérité biologique, le dysfonctionnement et l'irrationnel visent la femme comme incubateur de la malignité quand le fécond le dispute à l'infecté. C'est la procréation devenue anxiogène qui cautionne la mort de la progéniture ou de la mère.

VENDREDI APRES MIDI

ATELIER 1

Jane Messer, Université Macquarie, Australie
"Being Impossible: the Mother in Contemporary Literature"
My paper investigates whether maternal heroines are rarely portrayed due to an inherent distinction made (by writers, readers and publishers) between the civilizing work of mothering children, and the dramatic expectations for literature. I argue that when the writer shows her maternal heroine as existing within a larger social history, the stories of motherhood are indeed dramatic and the maternal heroine even "heroic". It demonstrates that contemporary writing of the past 30 years has been largely impacted by feminist writers who until recently, have not embraced the maternal heroine as a figure for literature. In "Being Impossible" I present readings of a number of significant contemporary texts, including Toni Morrison's novel Beloved, about which Toni Morrison said that she wanted to show the "impossibility" of being a loving mother within the system of slavery. This work is examined against a memoir by Louis Erdrich (The Blue Jay's Dance), a book which works to cloak abuse by privileging aesthetics over the "ugly" truths of mothering. Yet in this book, Erdrich also applauds Morrison for being braver than her in her writing: writing about the cruelty of mothering. Two works by Australian writers that I look at are Susan Johnson's A Better Woman and the Australian Aboriginal writer Doris Pilkington's Follow The Rabbit Proof Fence. Doris Pilkington's story is analogous in Australian terms to Morrison's novel, telling the story of the impossibility of being a good mother when the State repeatedly removed Aboriginal children from their families. The girls were incarcerated at the Moore River Mission, then escaped and trekked 2,000 kilometres for nine weeks (avoiding police and Aboriginal trackers) along the rabbit-proof "fence" back to their home and their mothers at Jigalong. Doris Pilkington's mother Molly was only fourteen at the time. Johnson's A Better Woman is ostensibly about the author's colostomy following the birth of her two boys. The bag, needed to help a vaginal fistula heal, was not in itself the impetus for the book, but the injury does shape the narrative and provides its narrative tension. In these texts children die; murder is committed; a mother is damaged in childbirth; mothers are forcibly stolen from their babies; mothers lie and steal; and all the mothers encounter the 'space of terror' of mothering. These maternal heroines acknowledge failure”failure to keep their children alive or alongside; failure to love, to be always strong and sane; failure of their own bodies; and, in Pilkington and Morrison's books, the failure or impossibility of overcoming the political and social imperatives of genocide, slavery and separation that bear down on them. In a second part of the paper, I look at the ways in which 70s-80sfeminism paved the way for later theorising and action around colonialism, migration, homosexuality, and indigenous rights. But there also were areas that feminism and writers shied from: lesbianism, and Aboriginal women, for instance, and mothering. There was a good deal of interest and academic work in "herstory" (around goddesses, witches and hags, midwifery, "old wives tales" and home-remedies, etc) and related to this search for truth and "herstory", the beginnings of knowledge of indigenous womens' stories. (For example, anthropologist Anne Cameron's collection of Inuit women's creation tales). In the great creative, insistent rush out into the world, to the public spheres of work, law, politics and culture, the home was turned against, railed against. Theories of domestic labour served to make the picture bleaker for being unpaid. Though it was often argued that domestic work ” which includes pregnancy, labour, breastfeeding and all the childrearing which follows ” was undervalued, it remained just that, undervalued by those that professed to understand it. Adrienne Rich wrote that during the four years she spent writing Of Mother Born little else was produced on mothering. This lack of discussion was her reason for embarking on the project. Feminist writers shared a reluctance to write of the maternal heroine that came from both the sheer difficulty of incorporating such complicated feelings and experiences into one's work, and from a culturally-generated silence; one that was re-fashioned by radicals such as Rich, but which nevertheless persisted to negate the literary potential of maternity. Little wonder so few of the writers of their generation created "maternal heroines" in their fictions. "Being Impossible" demonstrates that when the maternal heroine insists on her placement, however fraught, in the social and political sphere of life, the literary and 're-memorative' figure of the mother as a privatised, civilizing, good woman somersaults into imaginative, vital and daring literature.

Sylvie Mathé, Université Aix-Marseille I
"L'impossible choix, l'impossible deuil: considérations éthiques sur Le choix de Sophie de William Styron"
Cette communication se propose d'envisager la scène titulaire du choix de Sophie dans le roman éponyme de William Styron (1979). Indissociable du processus de sélection qui est au coeur du système des camps d'extermination, le choix que doit opérer Sophie entre son fils et sa fille, à son arrivée sur la rampe d'Auschwitz-Birkenau, est conçu comme métaphore et synecdoque d'un mal considéré par l'auteur comme absolu et universel. Nous examinerons tout d'abord la manière dont Styron adapte ses sources historiques à des fins romanesques, dans une transposition éminemment problématique où la fiction fait injure à l'histoire. Puis nous envisagerons la scène du choix, emblématique des non-choix de la Shoah, dans sa dimension éthique, 'privilège' de vie que vaut à Sophie sa condition de Polonaise, qui se meut en sacrifice mortifère et fait d'elle une Médée hantée par la culpabilité, happée par la mort jusqu'au suicide final. Quant au choix de Sophie lui-même dans sa dimension performative, par lequel elle désigne sa fille pour la mort, il nous conduira à une réflexion plus générale sur la politique sexuelle ainsi que sur le brouillage idéologique que véhicule le roman, une zone grise où s'entrelacent sado-masochisme, sexisme et auto-destruction sur fond d'érotisme concentrationnaire.

ATELIER 1

Katerina Kitsi-Mitakou, Université de Thessalonique, Grèce
" The Burthen in the Belly": Defoe's Voracious Mothers in Moll Flanders and Roxana"
The rise of the nuclear family dependent upon mutuality and privacy in the eighteenth century coincides with the celebration of individualism and the realization that man's life is an incessant pursuit of pleasure and happiness. According to most influential thinkers of the time, like Hobbes or Mandeville, human nature was nakedly selfish and the individual a machine geared to pleasure. Furthermore, based on Cartesian concepts of the human body as a machine, the dominant 17th- and 18th-century theories of generation describe the body of the mother as a productive mechanism, and the womb as a lifeless vessel, a dehumanized box severely dissevered from the maternal body, in certain cases even having no connection with the fetus and, therefore, replaceable. Seventeenth-century anatomical engravings of the free-floating, adult-like embryos in vase-like uteruses, as well as the absence of the umbilical cord, exalt fetal autonomy and reduce the womb to a mere claustrophobic container. Attuned to such prevailing discourses, Moll and Roxana, empty of any form of feeling or sensitivity, conflate mother's love with a passion centered on self-love. Defoe's model of domesticity liberates individuality and glamorizes egoism over public and maternal duty. At the same time, these narratives expose the paradoxical position of mothers in the new capitalist economy, which renders childbirth and maternity the only form of labour that not only remains unpaid, but also encumbers labourers with the additional load of having to provide for the product of their labour (their offspring) or pay for their disposal. In as far as such monstrous, Rabelaisian mothers deny that aspect of maternity that diminishes them to a biological/mechanistic existence and excludes them from the social realm, they are redeemable. In Moll's case, children are occasionally transformed from inconveniences into valuable merchandise; the "Burthen in the Belly" becomes a means of escaping death, as Moll's convicted mother is saved from the gallows by "pleading her belly", and Moll's reunion with her abandoned son in Virginia gives her access to her maternal inheritance. Roxana's murderous cannibalism, however, which defies maternity altogether by constantly evading her daughter (who insists on knowing the truth and defining herself in relation to her mother), and finally exterminating her, proves to be calamitous.

Maria Mikolchak, Université de Saint Cloud, Etats-Unis
Infanticide as an Act of Courage: Somerset Maugham's "The Unconquered"
Infanticide has been socially constructed as a monstrosity committed by a mother whom this act deprives of the legitimacy of her motherhood. Although in life as in literature infanticidal mother has been a frequent phenomenon, the mother killing her child has been most often characterized as "unnatural," "barbarous," and "monstrous." She is unmotherly mother. Contradiction in terms. A self-canceling figure, who socially and categorically does not exist. While the typical approach is still to portray infanticide in a way to evoke horror, some authors tried to mitigate the mother's fault. By representing her as a hapless victim of circumstances or impulses beyond her control, the authors made an attempt to solve the problem of the unmotherly mother. Thus, in the best possible scenario for the infanticidal mother, she is granted her humanity at the cost of passing for overly emotional and not fully responsible for her actions - another way to question women's mental stability and, ultimately, establish a connection between motherhood and mental insanity. Thus, while on the surface pitying the mother alongside with pitying the child seems to be a more humane approach to infanticide, it is not far-fetched to see in it an attempt to pathologize maternity. Yet another, although rare approach to infanticide is to present it not as the act of a barbarian mother, but rather as the act of the criminal society that through its barbarous laws compels the mother to commit infanticide as an act of self-preservation, as a way to lay claim to her own identity, needs, and desires. In Somerset Maugham's "The Unconquered," infanticide is seen through the lens of the French people's struggle against the Nazi occupation. My paper is going to argue that in Maugham's story infanticide as an act of courage and, ironically, survival, as a woman's ultimate realization of her right to her own body.

Nathalie Vincent, Université de Toulouse II - Le Mirail
" 'Ghostly figures', ou la loi maternelle du silence : de la terre effacée à la mère perdue, l'errance identitaire des personnages d'Eva Figes"
Déracinée de sa terre berlinoise suite à la montée du nazisme, Eva Figes arrive en Angleterre au tout début de la Seconde Guerre Mondiale, à l'âge de sept ans. L'Allemagne, la mère-patrie devient alors, dans l'imaginaire de l'enfant, tout à la fois terre dévastée et lieu d'un éclatement familial et identitaire irréversible, lourde d'une symbolique mortifère dont l'écrivain adulte va perpétuer la dimension obsessionnelle tout au long de ses oeuvres fictionnelles. L'abandon de sa langue maternelle au profit de l'anglais, acte matricide par excellence, constitue la première étape de la prise de distance nécessaire à l'affrontement par l'écriture de cette déchirure originelle. L'aventure de l'écriture est en effet bel et bien celle de la rupture, d'une extranéité dont, corrélativement, presque tous les personnages-narrateurs font l'expérience à travers un enfermement systématique dans l'espace clos et confus de leur mémoire et de leurs sensations ; un enfermement qui s'effectue bien davantage sur le mode d'une involution que sur celui d'un parcours véritablement édificateur de leur personnalité. De même que la narration ne peut s'affranchir de la carcéralité du souvenir, de ce "dark tunnel of years" dont elle épouse les méandres les plus obscurs, la mémoire ainsi sollicitée est sans cesse alourdie par le poids du silence, de la rétention verbale infligée par une mère figée dans un non-dit opiniâtre quant à sa propre histoire et à son incidence. Le discours narratif se déroule alors selon une interminable spirale réflexive, monologue d'une intériorité hantée par les images disparates du passé. Il devient un flot continu et indifférencié au sein duquel les variations référentielles aussi fréquentes que soudaines de "she" se conjuguent aux bribes de discours rapporté non clairement identifiées pour donner naissance à une re-duplication à l'infini de la figure maternelle le plus souvent répressive ou paralysante par la souffrance tacite qu'elle incarne et l'empreinte mortifère qu'elle véhicule. Dans sa demeure devenue crypte, ou dans sa chambre d'hôpital emblématique du confinement auquel elle est vouée, l'héroine s'inscrit dans une lignée de figures féminines souffrantes et endeuillées (grand-mère et mère), portant elles-mêmes le sceau d'une perte originelle, d'une béance, à l'image de cette "nursery rhyme of a bird carrying a message from a far-off mother, to whom only the bird can return".

Atelier 3

Anne Isabelle François, Université de Versailles - Saint Quentin en Yvelines
" La rédemption de Marguerite: de Goethe à Boulgakov"
C'est une question, juridique, politique, et éthique, qui constitue le questionnement nodal de cette communication: comment peut-on juger une infanticide? s'interrogeant donc davantage sur les conséquences que sur l'acte lui-même, d'ailleurs passé sous silence dans les oeuvres, et à travers la figuration de personnages féminins tragiques hantés par le spectre de leur crime et du sort / jugement qui leur est réservé par la société et les écrivains. L'analyse de la Marguerite de Goethe (1808), infanticide et matricide, et de la Frieda de Boulgakov, à qui est transférée l'infanticide, dans Le Maître et Marguerite (1940) souligne la place centrale de thèmes comme la culpabilité personnelle, l'expiation et l'oubli. Au final, l'enjeu est celui de la responsabilité du sang versé et de la rétribution des actes à travers l'éternité. Aussi bien Goethe que Boulgakov stigmatisent les pratiques barbares de la société, elle-même responsable pour partie de l'acte même de mort, et mettent en évidence l'impossibilité d'une justice humaine, inopérante face à ces cas d'exception. La solution mise en oeuvre pour résoudre le noeud de souffrance est de passer le relais au tribunal divin: la miséricorde divine, le pardon est l'unique alternative à l'irréversibilité terrestre des péchés et des fautes, par un jeu de transfert où la Marguerite de Boulgakov permet le salut de la Marguerite de Goethe. On assiste donc à la rédemption de Frieda, lors du bal de la pleine lune de printemps, suite à l'intercession de Marguerite, dans le roman de Boulgakov, et à la rédemption de Marguerite sauvée par le tribunal divin dans l'interprétation "origéniste" de Goethe. De fait c'est donc bien la Marguerite de Boulgakov qui répond au voeu de la Marguerite de Goethe (" O tribunal de Dieu, à toi seul je me livre"), en l'exauçant.

Zoé Schweitzer, Université de Nice
" L'infanticide de Médée, un crime fondateur?"
L'histoire de Médée apparaît comme un exemple privilégié pour qui s'intéresse à l'infanticide maternel. L'infanticide est impie dès l'Antiquité, en particulier lorsqu'il est accompli par une femme, mais le crime de Médée est profitable à la scène tragique, si l'on en juge par le succès de l'invention d'Euripide. Le geste de Médée s'avère donc problématique, à la fois scandaleux et efficace théâtralement. La violence de la barbare infanticide est jugée paroxystique par les théoriciens du théâtre et par les auteurs d'ouvrages sur les femmes (recueils de femmes célèbres, traités sur les femmes, mythographies ou ouvrages de médecine). Horace en effet recourt à l'infanticide de Médée pour proscrire la représentation du crime sur scène (Art poétique, v. 185-188) et ses vers sont continûment commentés et discutés par les poéticiens. D'un point de vue idéologique, l'infanticide commis par cette mère aimante est si complexe et ambigu qu'il est fréquemment convoqué dans des textes argumentatifs pour justifier une conception des femmes. Les nombreuses références à Médée dans des traités de toute sorte et la fortune de Médée sur la scène dramatique semblent légitimer une interprétation de cette histoire comme un mythe fondateur de la création théâtrale - réfléchir aux limites du représentable et aux conditions de l'efficacité de la violence tragique - et un exemple privilégié pour la caractérisation psychologique et physiologique des femmes, d'où découle leur place dans la société. Le XVIIIe siècle est une période privilégiée pour comprendre ce crime singulier: à l'ère de la maternité triomphante, il n'est plus ni vraisemblable, ni bienséant de représenter une mère qui tue volontairement ou même consciemment ses enfants, et de surcroît en toute impunité. Ainsi la Medea de Glover (1761) propose un traitement très original de l'infanticide afin que son accomplissement suscite terreur et pitié, sans pour autant choquer la sensibilité des spectateurs contemporains.

SAMEDI

Mylène Tremblay, Université de Laval, Canada
" La jouissance de la Matrie : un enjeu québécois ? Kamouraska (1970) d'Anne Hébert, Oublier (1987) de Marie Laberge, La Virevolte (1994) de Nancy Huston et Borderline (2000) de Marie-Sissi Labrèche "
Calquée sur la notion de patrie, la matrie est un concept créé par le psychanalyste Willy Apollon qui désigne la lignée des mères. Elle est au centre d'une revendication de jouissance (à entendre comme pulsion de mort) fondée sur un savoir particulier transmis de mère en fille et justifiée par une expérience spécifique du corps dont la maternité est une des manifestations les plus évidentes. La jouissance de la Matrie est exclusive et mortifère par essence dans la mesure où elle prône une continuité qui exclut tout partage et qui évince, voire forclôt, le lieu des identifications phalliques. Quelques romans, écrits par des femmes, permettent de saisir les enjeux éthiques et esthétiques liés à la notion de Matrie. Tous rendent compte de la maternité ou de la filiation comme d'une expérience de l'excès. Les personnages vivent dans la fascination et l'horreur de la fusion, vécue en miroir à la fois par la mère et par ses filles. Ravissement et envahissement provoquent une aliénation morbide et conduisent à une impasse dans la mesure où ils empêchent les personnages d'accéder à leur désir. Les exigences de la matrie, synonymes de dévoration et de désintégration, sont incompatibles avec l'épanouissement de l'individu. Un choix s'impose alors. Meurtre, violence, fuite, esthétique, autant de décisions qui circonscrivent l'évolution de la société québécoise. Seul l'acte éthique toutefois, fondé sur un savoir issu de l'expérience d'une rencontre avec la pulsion de mort, sanctionne la libération et l'assomption d'une perte de jouissance. Centrée sur la représentation textuelle de la matrie, cette analyse cherchera aussi à comprendre si cette notion, née au Québec, délimite un enjeu propre au Québec. Le recours à Nancy Huston, au statut national hybride, permettra d'élargir quelque peu la perspective de départ sur la voie du généralisable.

Martine Fernandes, Université de Floride, Saint Petersburg
" Premiers écrits, premiers cris: naissance de l'écrivaine et mort de l'enfant"
Les premiers romans des écrivaines françaises ou francophones contemporaines sont parfois violents, comme si la voix féminine pour se faire entendre ou simplement naître devait se rapprocher du cri: cris de la révolte, de la revendication ou de la libération. En même temps, ces premiers romans mettent souvent en scène la mort, la souffrance, voire l'absence de l'enfant. Qu'on pense à Les armoires vides d'Annie Ernaux, Le baobab fou de Ken Bugul, Les silences de Porto Santo d'Alice Machado ou encore aux premiers romans de Calixthe Beyala, Maryse Condé ou de Nina Bouraoui, il semblerait que les écrivaines doivent faire le deuil d'une maternité triomphante pour devenir créatrices de fiction ou vice-versa. Dans cette communication, je me propose d'analyser le rapport entre la rhétorique de la violence, la remise en cause de la catégorie de la maternité et la naissance du sujet écrivant féminin. A travers l'analyse comparative de premiers romans français et francophones contemporains, j'essaierai de montrer que la construction ou l'affirmation de soi en tant qu'écrivaine passe par la destruction de toutes sortes de déterminismes qu'ils soient esthétiques, sociaux ou raciaux. C'est d'autant plus le cas pour les sujets dits "hybrides", que ceux-ci soient des sujets post-coloniaux ou non. On cherchera ainsi, à partir de la linguistique cognitive et de la théorie post-coloniale, les formes stylistiques de la mise en scène de la naissance à l'écriture dans l'écriture.

Augustine H. Asaah, Université du Ghana, Legon
" La mère et la mort de l'enfant dans la littérature africaine"
Bon nombre de cultures africaines, qui se disent pacifistes, communautaires et même parfois matricentristes, considèrent également l'enfant comme l'incarnation de l'ancêtre. Eu égard à ces considérations et aux douleurs de l'enfantement aussi bien qu'à la valorisation de la procréation, il sera tentant de croire que la vie de l'enfant sera, dans la mesure du possible, assurée. Or, l'un des paradoxes flagrants de l'existence fait que la femme, source de vie, devient agent de l'infanticide ou du meurtre d'enfants: soit parce qu'elle y a été acculée soit parce que l'imaginaire populaire l'y associe. S'il est vrai que l'Afrique, malgré ses prétentions humaines et égalitaires, fait preuve, depuis la nuit du temps, d'un certain " devoir de violence" envers les faibles”filles/femmes, esclaves, pauvres, infirmes, bébés handicapés” force est de reconnaître aussi que cette tradition de violence séculaire et endogène a été rendue plus aigue par des facteurs exogènes dont la Traite négrière, le (néo)colonialisme et l'économie de marché. Les représentations fictionnelles des rapports mortifères entre mères et enfants sont informées d'un côté, par la contradiction fondatrice (inhérente à la culture patriarcale africaine) et d'un autre côté, par les dynamiques de pouvoir entre la périphérie colonisée et le centre métropolitain. Sous-tendue par les thèses féministes, la théorie du contre-discours et les études sur la violence/ la victimisation, cette communication examinera les images fictionnelles des mères qui, pour les enfants, symbolisent, annoncent, portent et donnent la mort dans la littérature africaine depuis l'époque précoloniale jusqu'aux temps modernes.

Pascal Noir, Université de Paris II
" En haine de l'enfant ou le Massacre des Innocents dans la littérature décadente" (1880-1900)
Par delà Barbey d'Aurevilly dont l'oeuvre présente vingt-trois enfants mort-nés ou assassinés, la génération " décadente" poursuit un travail de déconstruction de la cellule familiale qu'elle exècre. Elle prône la stérilité, sape les valeurs régissant la société en affirmant qu'une femme heureuse ne fait pas d'enfant. La scène de l'infanticide revêt alors dans les récits une dimension rituelle. Entre avortement ou assassinat de l'enfant, appert une séquence itérative présentant le meurtre impensable, celui de la victime innocente. Tel Hérode, la femme ordonne un nouveau Massacre des Innocents; telle une Amazone, elle supprime les mâles... L'homme, dont l'épouse lui refuse toute filiation, est en question. Les textes multiplient une hantise décadente des plus prégnantes : la procréation, les images de maternité. Ces refus de la grossesse, de l'enfantement, de l'allaitement clament l'abolition des valeurs sociales bourgeoises. Sans doute faut-il y voir les prémices d'une libération de la femme, dégagée qu'elle serait de ses fonctions de perpétuation de l'espèce, affranchie de la tutelle d'un époux dans une société des plus misogynes. A l'époque du grand débat sur l'ovariotomie, la suppression de l'enfant par la mère, in utero ou a posteriori, constitue une séquence cardinale réorientant le rapport mère-enfant : la femme est mère vis-à-vis de la mort, elle est maternité de la mort. Foetus et avortons, surnuméraires dans les récits, sont des charognes vivantes. Les corps (mère et enfant) sont réduits à leurs fonctions les plus viles : notations physiologiques (déjections, sécrétions); trivialité empruntant son chromatisme à l'esthétique macabre. Présentée sous ses aspects thanatiques, la relation mère-enfant établit également une analogie entre le corps physiologique et la société. Ces maternités exécrables seraient à l'image d'une société qui, elle-même, se décomposerait, entrerait en décadence.

Ieme Van der Poel, Université d'Amsterdam
" De la mère mortifère à la Sainte Vierge : Figures de la créativité féminine dans l'oeuvre de Julia Kristeva
Dans son essai Soleil noir, Julia Kristeva prône l'idée du matricide symbolique comme le premier jalon dans l'autonomisation de l'individu humain: 'Le matricide est notre nécessité vitale' (1987:38). Elle reprendra ce thème, mais sur le mode fictionnel, dans Possessions (1996), roman policier qui s'ouvre sur la mort violente d'une mère et dans lequel les mères, la maternité et le matricide jouent un rôle très important. Sous une autre forme encore, le meurtre symbolique de la mère est évoqué dans Visions capitales (1998), essai sur la représentation de la violence à travers la figure symbolique de la décollation et de la tête coupée. Dans l'oeuvre kristévienne, la figure de la mère mortifère qui incite au matricide, fût-il symbolique, fait pendant à une autre image féminine, voire maternelle, qui est celle de la Sainte Vierge. Faisant son première 'apparition' dans des essais théoriques tels que 'Maternité selon Giovanni Bellini' (1977) et 'Héréthique de l'amour' (1977, repris plus tard dans Histoires d'amour sous le titre 'Stabat Mater'), elle est également présente dans des textes plus récents de Kristeva comme Le Féminin et le sacré (1998, en collaboration avec Catherine Clément). Elle peut donc être considérée comme l'une des constantes de son écriture. Dans ma communication, je me propose d'abord de faire un bref inventaire de ces différentes figures de femmes (mères mortifères; vierges vengeresses et mères saintes), qui traversent l'oeuvre kristévienne. Ensuite, je confronterai les essais théoriques aux oeuvres de fiction, afin de montrer comment ces deux genres se répondent et se complètent réciproquement. Finalement, j'essayerai de trouver une réponse à la question de savoir, comment chez Kristeva l'idée du matricide et celle de son opposé, l'amour maternel, sont liées toutes les deux au problème de la créativité en général, et de l'écriture au féminin en particulier.

Nathalie Morello, Université du Pays de Galles, Swansea
" Débordements d'une mère borderline : Ecriture de l'état limite dans Bord de mer de Véronique Olmi"
Bord de mer, le premier roman que Véronique Olmi a publié en 2001, est le récit d'un double filicide maternel. A partir d'un fait divers réel, Olmi a imaginé le monologue intérieur d'une mère célibataire qui amène ses deux jeunes fils découvrir la mer, et qui, 24 heures après leur arrivée, les étouffe l'un après l'autre alors qu'ils sont endormis. Bord de mer explore un état limite, dans l'acception clinique du terme d'abord, puisque la mère présente divers symptômes relevant du trouble de la personnalité dit borderline, mais aussi au sens figuré dans la mesure où tout le texte travaille à rendre un sentiment irrémédiable de perte de limites. Cette communication s'attache à examiner les diverses stratégies narratives qui contribuent à mettre en mot ce singulier brouillage des limites. Au niveau de la représentation d'abord, avec cette conscience maternelle en mal de limites physiques et psychiques, spatiales et temporelles, et qui lutte à chaque instant et au prix de maints efforts, mais aussi en vain, pour rester ancrée dans la réalité. Au niveau de l'écriture ensuite, qui, par certains procédés, accroît l'impression d'embrouillement. Au niveau de la lecture enfin, puisque l'absence de certains repères habituels qui servent la lisibilité d'un texte répand la confusion au-delà des limites du texte. On s'interrogera pour terminer sur la possible portée politique de cette représentation de mère pas " suffisamment bonne": bourreau ou victime? folle ou monstrueuse? Il apparaîtra que là encore, Olmi aime à brouiller les limites, elle qui confie: " Si les auteurs servent à quelque chose, ce serait à cela. Chercher la limite entre le bien et le mal", tout en s'empressant d'ajouter: " ça m'énerve quand on tranche".1






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